Ainsi parla l'émir vert

Quand l'émir vert prend la parole je suis toujours très attentif.

C'était Mercredi en fin d'après-midi sur France Info. En quelques minutes, je suis très généreux, j'ai retrouvé le pompier pyromane qu'est Xavier Beulin. Il se montrait presque satisfait de la tournure des choses. Ses troupes en état de marche, n mouvement.... La posture de la FNSEA me fait souvent penser à celle qu'adopte la CGT. J'ai lu que certains exploitants agricoles pour ne pas dire une majorité jugeaient leur ministre, Le Foll, à côté de la plaque quand il propose des aides. Certes ce ne sont pas les aides qui sont une solution car d'une part les aides ce n'est pas un paquet d'argent qui est donné au bénéficiaire mais elles sont attribuées sous forme de prêts et tous les agriculteurs ne sont pas élligibles. Mais ce ministre de l'agriculture n'est pas plus mauvais qu'un autre … certes il a un gros défaut aux yeux de beaucoup d'agriculteurs, enfin de ceux qui manifestent (sans doute à raison), il est socialiste. Et ça comme on dit ça ne passe pas. Je suis plutôt classé à droite et j'ai le souvenir de prédécesseurs de Le Foll, de droite, qui n'étaient pas plus brillants !!! Voire pires.

Le problème c'est que les cours ne se décident pas à Paris ou même à Bruxelles. Les cours se décident sur le marché. J'ai écouté dernièrement un céréalier qui se montrait satisfait de la campagne 2015 mais déplorait la baisse des cours. Ce monsieur présenté comme ingénieur agricole, donc pas un idiot en principe, ignore quand même que lorsque de gros volumes sont apportés sur le marché les prix ont tendance à baisser. Ajoutons à cela qu'il constatait un appauvrissement des sols … il faudrait qu'il réfléchisse à ses pratiques culturales, à force de tasser les sols, de pratiquer les mêmes cultures on sait que les sols s'appauvrissent, même les plus riches. On s'interroge sur l'intérêt de telles interventions …

Il est vrai qu'il y a des distorsions de concurrence... on cite souvent les Danois, les Allemands, les Polonais, les Espagnols … le problème est que dans ces pays on entend parler des Français ! Autrement dit on se renvoie la balle ! On entend aussi qu'il faut donner la préférence à la viande d'origine française. Mais là aussi il faudrait éduquer le consommateur au lieu de le conditionner et surtout le convaincre d'acheter plus cher … mais c'est lui qui est objectivement maître de l'acte d'achat... y compris pour acheter des produits d'entrée de gamme. Et ça ce n'est pas un problème de bord politique ! C'est un choix politique en ce sens qu'on décide d'aborder l'acte d'achat d'une certaine manière. Je fais le choix d'acheter des produits de bonne qualité … et de payer plus cher (pour de multiples raisons … déjà éviter de m'empoisonner!). Mais je n'achèterai pas du porc breton pour la seule raison qu'il est breton ! Je ne vais pas me répéter mais j'ai vu des barquettes de faux-filet labellisées « Viande de France » eh bien ce faux-filet avait une drôle de gueule ! En plus en analysant son prix au kilo on s'apercevait qu'il valait mieux acheter un autre faux-filet qui était plus profitable (meilleure qualité, découpe plus belle) même si le prix au kilo était légèrement plus élevé, et c'était aussi du faux-filet français ! Parfois je comprends pourquoi certaines personnes font le choix de ne plus manger de viande ! Là aussi on entend des choses qui sont éloignées de la réalité : il n'y aurait pas de surproduction en France, la surproduction c'est le voisin ! Air connu. Sauf que les consommateurs ont tendance à manger moins de viande, là aussi les raisons de cette tendance baissière sont diverses, la demande diminue au moins en France. Certains prévisionnistes annoncent une augmentation de la consommation de viande au niveau mondial mais on peut se poser des questions sur l'annonce de cette tendance : est-ce pour se faire plaisir ? N'a-t-on pas anticipé cette prévision d'où le constat d'une baisse des cours au niveau mondial ?

Xavier Beulin fait appel à des modifications structurelles, quand on connaît la ligne représentée par cet agro-industriel on devine ce qu'il entend par là … il y a réformes structurelles et réformes structurelles. Est-ce en faisant disparaître des dizaines voire des centaines d'exploitations, car il s'agit de cela dans son esprit, que l'on va faire remonter les prix ? N'est-ce pas pas plutôt en modifiant les modes d'élevage et plus généralement les orientations. Le vice-président de la région Bretagne en charge de l'agriculture, lui-même agriculteur, constatait que la crise actuelle était la plus grave vécue depuis cinquante ans. En gros et c'est moi qui fais le constat : depuis que la politique agricole est en cogérée en France entre pouvoirs publics et le syndicat majoritaire. Et de mémoire je crois me souvenir qu'il y a eu des crises terribles même quand les ministres étaient des anciens de la FNSEA ou du CNJA reconvertis en politique ! D'ailleurs, sauf erreur de ma part, la création de la Coordination Rurale s'est faite lors d'un de ces épisodes, des agriculteurs constatant que la FNSEA ne répondait plus aux préoccupations du monde agricole.

Il ne s'agit pas de jeter au chômage des centaines d'agriculteurs mais de réorienter une politique agricole qui va droit dans le mur depuis des années. On ne peut pas toujours se résoudre à reprocher aux politiques des choix dont ils ne sont pas maîtres alors que notre modèle repose sur la cogestion, la communication du gouvernement est faite au moment des épisodes chauds par la FNSEA, les groupes de pression de la FNSEA ayant élu domicile à Strasbourg et à Bruxelles. Il faut réorienter les choix vers des activités qui dégagent une juste rémunération des exploitants et ne pas persévérer dans des productions qui conduisent dans une impasse. Le gros obstacle est le niveau d'endettement des exploitations … et comme disait un certain Fernand originaire du Puy-de-Dôme « c'est étudié pour ! » ... Que ça aille mal et que ça dure : tout est bon pour lui... l'émir vert !

Je fais un petit additif à cette réflexion (qui n'engage que moi, je le précise, car je ne suis pas encarté ni auprès d'un parti politique ni auprès d'un syndicat). Il ne faut pas se méprendre sur la vision que je porte sur la FNSEA. Je ne suis pas assez naïf pour penser que ce syndicat est monolithique. Il en est sans doute de même pour d'autres syndicats agricoles comme la Coordination Rurale ou comme la Confédération Paysanne. Je mets de côté les sensibilités politiques car là aussi il faut être nuancé … Les bovins, les porcs ou autres palmipèdes ne sont ni de droite ni de gauche ou du centre ! J'ai lu sur un site internet dédié à l'agriculture que même s'il y avait une division dans l'action sur le terrain la Coordination Rurale et la Confédération Paysanne avaient la même approche que la FNSEA. Je pense que c'est aller vite en besogne et entretenir la confusion, une volonté de confusion sans doute pas innocente. Les deux syndicats jugent sans doute que les fonds ou autres primes, d'ailleurs des fonds qui seront délivrés sous forme de prêts et sous conditions, sont des « rustines » qui ne répondent pas à la problématique de la rémunération. Mais ce qui est important et qui n'est pas souligné, et qui justifie la division dans l'action, c'est le diagnostic. Ce qui est très gênant avec un appareil comme celui de la FNSEA c'est l'approche, pas toujours dévoilée, de son président. C'est un adepte au-delà de ses activités agro-industrielles du « faites ce que je dis pas ce que je fais ». Il suffit de s'intéresser aux activités professionnelles du personnage, et plus généralement aux activités des sociétés qu'il dirige de près ou de loin, pour se rendre compte que la défense des paysans est secondaire. Je fais usage du mot paysan à dessein. Car il faut rappeler que l'agriculture ce sont les agricultures. Il y a presque autant d'agricultures que de filières … autant d'agricultures que de régions et même à l'intérieur d'une même région géographique on peut encore faire des distinctions. Avec des intérêts pas toujours convergents. Tout ceci ne joue pas en la faveur d'une défense homogène de l'agriculture. Les intérêts des uns ne correspondent pas nécessairement à ceux des autres, voire même de leurs plus proches voisins. Il faut y ajouter les jalousies qui se développent. Mais la jalousie n'est pas le propre du monde agricole ! Loin s'en faut. L'herbe est plus verte dans le pré du voisin. Il faut aussi parler des pratiques qui enchérissent le foncier agricole. Des amis m'ont parlé des niveaux de prix à l'hectare qui laissent perplexe Il y a quand même des signes positifs là où il y a des perspectives quand l'exploitant, le paysan, évolue dans ses choix. Des choix qui, là aussi, ne sont pas homogènes chacun adoptant une solution correspondant au profil de son exploitation, des besoins détectés et au moins maîtriser son revenu ! On devine que ces choix personnels ne correspondent pas toujours à la main-mise des organisations.... eh oui certains ne supportent plus le carcan qui les enferme dans les impasses ! L'un fera le choix de valoriser sa production laitière, l'autre le volet viande de son cheptel, un autre combinera les deux solutions avec une production charcutière avec un mot d'ordre commun : « la qualité plutôt que la quantité !» On en revient à l'éducation du consommateur : le choix de la qualité va de pair avec l'éducation alors que la quantité va avec le conditionnement. Il est normal que le consommateur paie plus cher pour une meilleure qualité mais il faut aussi que cette marge revienne intégralement au producteur. Mais on peut constater que le conditionnement est bien là nous empêcher les uns et les autres, agriculteurs et autres catégories, de voir bien clair dans nos propres choix. Je ne vais pas y revenir, au risque de laisser penser que c'est une obsession, mais nombreux sont ceux qui s'emploient à nous conditionner ! Des fois qu'on leur échappe !